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Chapitre 2
Un pas en avant, un autre en avant. Une patte en avant, une autre en avant. Après avoir saisi la main du jeune homme aux oreilles pointues, Risia se trouve soudainement transportée dans une vaste salle d'un blanc éblouissant, sans ciel ni terre, dépourvue de toute limite apparente. Des questions tourbillonnent dans son esprit : est-ce lui qui l'a envoyée ici ? Et si oui, dans quel but mystérieux ? Risia avance dans l'inconnu, guidée par une curiosité mêlée d'inquiétude. Dans cette étendue infinie et immaculée, elle est perdue, mais elle n'est pas seule dans ce sentiment. Aux côtés de son fidèle compagnon canin, vêtue d'une longue robe blanche en dentelle et les cheveux ondulant autour de ses épaules, Risia se tient pieds nus dans cette salle immaculée. Elle observe Balto grattant inlassablement le sol invisible de sa patte gauche. Les sens en alerte, elle ressent le lourd silence qui pèse dans cet environnement. Les cheveux libres dans le vent imaginaire, elle ressent une sensation de pureté, contrastant avec le blanc oppressant qui enveloppe tout. Dans ce silence pesant, où seuls les battements de son cœur, le flux de sa circulation sanguine, son souffle inquiet, et les murmures de ses propres mouvements se font ressentir dans son corps comme un caisson de résonnance, chaque grattement de Balto contre le sol invisible résonne sur un sol invisible vers la plante de ses pieds, comme un écho mystérieux. Se laissant bercer par les doutes et les interrogations, elle s'installe finalement, cherchant des réponses dans ce monde énigmatique où même la couleur semble effacée. Le blanc prédominant, qui enveloppe même sa peau d'une aura laiteuse, sa robe immaculée, et même son chien, ainsi que l'espace lui-même, ne font que renforcer son sentiment d'incertitude et d'angoisse.
Puis elle s'assoit, balançant ses jambes blanches. Elle caresse ses jambes glaciales, et lorsqu'elle touche sa tête, elle la trouve tout aussi froide. Seuls les morts ont une tête froide. Peut-être fait-elle désormais partie de ce monde des défunts ? Mais comment cette créature a-t-elle pu l'envoyer ici ? Était-ce celle qui guidait les âmes des morts ? Ou bien s'agit-il d'un avant-goût du paradis avant de franchir la porte de la mort ? Elle considère que c'est peut-être le dernier visage qu'elle aurait pu voir, mais aussi le plus bienveillant. Elle remercie silencieusement d'avoir reçu ce cadeau avant sa probable fin.
Mais est-elle réellement morte ? Plus tard, une silhouette émerge doucement, tel un fantôme. Une grande femme âgée, aux ailes semblables à celles d'une colombe qui trainent au sol imaginaire, se dresse alors devant elle. Ses cheveux transparents frôlent presque le sol, tandis que sa robe blanche et plissée flotte autour d'elle comme une aura de pureté.
Risia contemple les yeux sans couleur de l'ange fantomatique qui lui tend la main. Paul lève la tête, ses yeux brillant d'une lueur d'émerveillement alors qu'il aperçoit l'ange. Une figure céleste, évoquant les récits ancestraux perdus dans les méandres du temps, une créature presque humaine dont la présence défie toute logique. C'est comme si les contes chuchotés par un vieux professeur au fils des Joyeux prennent vie sous ses yeux, insufflant une touche de magie à cette rencontre inattendue. Son chien s'assoit, ses yeux expriment une loyauté indéfectible alors qu'il observe attentivement la scène, sa queue battant faiblement en signe de reconnaissance. Pendant ce temps, la jeune fille, empreinte de méfiance, se replie sur elle-même, préférant le silence solitaire à la pitié condescendante des autres. Refusant la main tendue, elle se mure dans son isolement, convaincue que personne ne l'aime, ne l'a jamais aimée, et ne l'aimera jamais. Pourtant, même en présence de Balto, elle se sent seule dans son monde, prisonnière de ses pensées tourmentées. Les mots d'encouragement et de réconfort lui semblent vains, et elle n'a qu'un désir : disparaître. Même si cela signifiait causer de la peine à Balto, son cœur est lourd de souffrance et de désespoir. Les moqueries incessantes, la surdité qui l'isole du monde, la faiblesse perçue par les autres... Tout cela la pousse au bord du gouffre de la désespérance. Dans un océan de haine envers elle-même et les autres, elle se sent naufragée, dérivant sans espoir de salut. Et pourtant, au milieu de cette tourmente, une question lancinante résonne dans son esprit : pourquoi n'entendait-elle rien ? Comment est-il possible de parler sans entendre ? Elle se revoit adresser les rares paroles à Balto par le passé. Ces questions tournent en boucle dans l'esprit de Risia. Bien qu'elle puisse émettre quelques mots, sa surdité la laisse perplexe.
─ Écoute-moi bien, Spariel. Tu peux percevoir mes paroles à travers ta vue, le toucher. Tu as surpassé ton manque par...
─ Laissez-moi tranquille ! s'exclame Risia, submergée par la frustration.
─ Il y aura toujours quelqu'un pour être à tes côtés, ouvre ton coeur... continue l'Ange d'une voix claironnante.
─ Vous êtes aussi sourde que moi ou quoi ? gronde-t-elle. Balto l'est déjà, je ne veux personne d'autre !
─ Même si tu refuses, l'espoir reviendra. Même si tu le repousses, l'espoir reviendra toujours et encore... S'il n'y a plus d'espoir, la lutte demeure une lueur d'espoir.
L'Ange semble ne pas tenir compte de la réplique de Risia, comme si il ne l'écoute pas vraiment. Ou peut-être que Risia, submergée par la frustration et accroupie, son regard fixé sur ses genoux, n'entend pas tout, incapable de lire sur les lèvres de l'Ange. L'Ange interrompt d'un ton ferme :
Risia, stoffi.
Les mots résonnent directement dans l'esprit de Risia, lui rappelant étrangement la même démarche de communication de l'homme aux oreilles pointues. Risia reste bouche bée, ne sachant plus quoi ajouter. Puis, dans un accès de colère, elle recule, lançant des injures à l'adresse de l'Ange. Si les Anges, comme le racontent les légendes, sont censés créer des miracles pour les humains, elle ne se retrouverait jamais dans de telles situations. Balto s'approche d'elle alors qu'elle est assise, posant son museau sur sa joue. Une voix grave résonne.
─ Ta vie n'est pas terminée.
Soudain, la jeune fille est aspirée en arrière, tendant désespérément la main vers l'Ange, appelant à l'aide. Mais celui-ci ne réagit pas, se dérobant et disparaissant progressivement. Balto, quant à lui, se volatilise sous forme de poussière, une poussière d'étoile. Mais elle n'eut pas le temps d'en comprendre le sens. Elle se retrouve brusquement plongée dans un environnement glacé, où le froid mord sa peau et lui coupe le souffle. Paniquée, elle tente désespérément d'atteindre la surface, sentant ses poumons brûler. Ses mains heurtent la surface gelée, mais elle est infranchissable. Dans un dernier effort, elle frappe de toutes ses forces la glace qui l'emprisonne. Alors que ses poumons lui font de plus en plus mal, la glace finit par céder, libérant une main robuste et poilue qui la saisit par les cheveux. Elle faillit pousser un cri de terreur.
Sauvée, une force inconnue la dépose sur le sol glacé, lui offrant le répit nécessaire pour reprendre son souffle. Relevant la tête, une mèche noire tombant devant ses yeux, elle est confrontée à une vision inattendue... Un être mi-homme, mi-taureau. Un géant homme-taureau, ses cornes pointant vers le ciel ! Pétrifiée sur place, elle s'attend à ce qu'il lui fasse du mal. Mais au contraire, il fouille dans son sac à dos puis lui tend une boisson chaude. Après avoir rapidement évalué la situation et déduit qu'elle est en sécurité, Risia saisit vivement le verre, sentant la chaleur se diffuser rapidement dans ses mains, tout en gardant un œil méfiant sur l'étranger. Il lui drape ensuite un gros manteau en fourrure autour des épaules. Ses cheveux bruns bouclés sont humides, ses lèvres remuent comme s'il tente de lui dire quelque chose, mais elle n'entend toujours rien, comme à son habitude. Ses yeux marrons scrutent les siens intensément. Il est dépourvu de tout vêtement, sa peau poilue évoquant celle d'un ours. Elle remarque ses sourcils se froncer, puis il la soulève et la pose sur son épaule gauche. Elle se débat instinctivement.
─ Je ne suis pas un objet !
Ses mains se posent instinctivement sur ses lèvres, presque comme pour sceller ce soudain flot de paroles qui jaillit de sa bouche. Elle n'a jamais connu cette sensation auparavant, jamais réussi à prononcer une phrase sans bégayer ou hésiter sur un mot. C'est comme si une porte longtemps verrouillée dans son esprit s'est soudainement ouverte, laissant échapper ce torrent de paroles. Mais cette révélation la met mal à l'aise, semant le doute sur son identité et sa condition de sourde. Il continue sa marche, ses gros sabots martèlent violemment la glace sans la briser. Épuisée, elle se calme et observe le paysage environnant. Le monde est d'un blanc immaculé, le ciel d'un bleu profond, l'air glacial. Elle n'a jamais vu un tel paysage ! Elle peut presque imaginer le silence qui règne dans ce monde. Des sapins sont drapés de coton blanc, comme l'a décrit sa nourrice dans un livre d'images. Ce coton blanc est bien de la neige. De la neige pure et immaculée, si silencieuse... Le ciel bleu identique à ses yeux. Les troncs des sapins étaient aussi sombres que ses cheveux. Pourquoi ces couleurs sont-elles si semblables ? C'est comme si ce paysage la reflète comme dans un miroir. Puis, elle sent le contact froid de ses pieds nus sur le sol tandis qu'elle est déposée devant une sombre grotte. L'étranger qui l'a portée lui tend une lettre :
« Chère Risia. Je t'attends. Signé S. »
L'étranger s'éloigne, tirant un étrange traîneau rempli de boîtes, récupéré devant la grotte. Risia se dit qu'il lui rappelle soudainement le Père Léo, un personnage fictif qu'elle connait de la plus grande fête de l'année du village.
─ Où vas-tu ?
Il se retourna et répondit d'une voix calme :
─ Je ne sais pas. Je ne sais rien. J'ai juste respecté la volonté d'un vieil ami, tout simplement, comprend-elle en alliant non sans difficultés la lecture labiale et la tonalité vibrante de sa voix grave.
Il part. Observant la sombre entrée, Risia voit soudain un écureuil blanc passer devant elle. L'animal s'arrête longuement, l'observant de haut en bas. Risia le trouve mignon. Tout à coup, l'écureuil grimpe sur elle. Elle essaye de le chasser, puis entend dans sa tête :
Ne t'approche pas de lui !! S'il te plaît, huïmosa, ne crois pas que ce démon pourra t'aider ! Il te veut !
L'écureuil est maintenant sur son épaule, ses petites pattes avant posées sur sa tête. Risia le saisit par le cou. Mais lorsqu'elle le maintien en l'air, l'écureuil ne bouge plus, ne respire plus. Son cœur ne bat plus, les battements ne vibraient plus contre ses paumes. Risia le lance de l'autre côté, puis s'enfuit en courant, déconcertée par la situation. Une nouvelle créature apparaît alors, et Risia la reconnaît : le jeune homme aux oreilles pointues et à la belle chemise verte qui avait tenté de l'aider auparavant. L'homme en vert, l'homme à l'allure d'un soldat royal. Mais cette fois, il tient une flèche bien aiguisée, prête à être décochée depuis un arc doré tendu au maximum, pointé droit vers elle.
La flèche frôle la joue gauche de Risia et traverse ses cheveux. Sa joue picote, elle la touche avec son index et voit une perle de sang rouge vif. Elle reste muette de surprise. Se retournant, elle distingue une silhouette imposante. Un grand homme à la peau aussi blanche que la neige et aux cheveux noirs raides se tient devant elle. Il est doté de gigantesques ailes de corbeau qui recouvrent son corps. Son nez pointu est plissé, ses mains sont posées sur son œil droit. Du liquide noir apparaît petit à petit sur ses mains. Des vibrations de paroles résonnent fortement dans ses oreilles et elle comprend quelques mots que ce démon dit, qu'elle parvient à construire les paroles par la suppléance mentale. « Comment oses-tu me faire ça, sale elfe de pacotille ! », telle est la phrase qu'elle a reconstruite. Elle recule, le démon fait de même.
─ Et toi, petite, tu n'auras pas ta deuxième chance !
Puis il se volatilise en retournant au fond de la grotte. Elle se demande si elle est en plein cauchemar. L'homme en vert arrive à côté d'elle, sans quitter des yeux l'endroit où le démon a disparu.
─ C'est... C'est qui ?
─ Sëdah. Le plus puissant des démons, lui répond-il par la pensée.
─ C'est... cette histoire...d...de...fous ? s'exclame-t-elle, en écartant les bras et faisant beaucoup d'efforts pour bouger ses lèvres gelées et frottant ses pieds gelés pour les réchauffer.
Risia se dit qu'elle est juste dans un cauchemar. Rien de plus. Elle doit se réveiller ! Elle n'a jamais su parler aussi bien comme une enfant de six ans. Depuis qu'elle est entrée dans cette forêt, elle a l'impression d'avoir quitté son ancienne vie après avoir touché la main de l'homme. Elle a l'impression d'avoir vécu une renaissance, plus courageuse et plus intelligente, capable de combler très vite les mots incompris par la suppléance mentale, lourde pour son cerveau. Dans la vie de tous les jours, on la maltraitait, on ne la soignait pas, elle a été mourante à l'âge de ses dix ans. Cet homme en vert n'existait pas. Puis, après avoir été convaincue d'être dans un mauvais rêve ou une mauvaise plaisanterie, elle se tourne, traînant la grosse veste en fourrure qui frôle le sol enneigé, ignorant la présence de l'homme aux oreilles pointues. Tout à coup, elle entend une mélodie. Elle se retourne, il a sorti son mystérieux instrument musical. Elle fronce les sourcils et lui dit de la laisser tranquille. Il ne la quitte pas des yeux. Elle rougit doucement et regarde le sol. Puis il se précipite vers elle en rangeant son instrument dans sa sacoche à épaule. Il se promène à côté d'elle et se penche plusieurs fois pour regarder son visage.
─ C'est impossible pour une humaine d'entendre cette mélodie, lui explique-t-il par la pensée.
─ Menteur. Je suis en. Train de rêver. Sûre.
─ Pourtant, c'est la vérité. Es-tu vraiment humaine ?
Elle gonfle ses joues pour exprimer son mécontentement, elle cache son visage dans sa veste. Elle arrête la marche. Il fait de même. Il lui tend la main. Elle observe sa main : hâlée, qui semble douce. Elle hésite de la serrer quand il se retourne et la salue pour partir dans une autre direction. Elle le regarde longuement.
─ Enfin, il est parti ce personnage imaginaire, pensa-t-elle.
Après une longue réflexion, elle se rend compte qu'elle apprécie la compagnie de cet homme imaginaire. Après quelques pas, dans ce vaste désert de glace, elle aperçoit le même petit écureuil blanc. Incroyable, pourquoi l'aperçoit-elle si facilement ?! Il s'approche d'elle en marchant sur ses deux pattes arrière, comme le ferait un humain. Il fait une révérence. Risia est inquiète.
─ Je croyais que toi mort...
Sur la tête de l'écureuil, elle voit un sourire sadique. Effrayée par ce tout petit animal, elle court en suivant les traces de pas laissées par l'homme en vert. Quelques minutes plus tard, essoufflée, elle l'aperçoit agenouillé. Elle s'approche de lui. Il dessine avec un bout de bois mort sur la neige. Il tourne la tête vers elle, lui dit bonjour à nouveau.
─ Tu as changé d'avis ? demande-t-il.
Elle acquiesce, exprimant sa peur de se perdre.
─ Ne t'inquiète pas, je connais mon chemin.
─ Pourquoi me... suis-tu ?
L'homme feint ne pas avoir entendu sa question murmurée. Il lui demande de participer avec lui. Elle observe son dessin : un gigantesque château avec des drôles d'oiseaux qui volent autour. Il se lève, elle fait de même. Il jette le bout de bois. Elle lui demande où il a trouvé ce bâton. Il lui répond en bégayant qu'i l'a trouvé de nulle part. Elle sourit. Il tire sur la manche de son manteau. Il marche devant elle, elle s'amuse à mettre un pied dans chaque pas laissé sur la neige. Dans ce vaste paysage immaculé, Risia ressent le froid mordant pénétrer jusqu'à ses pieds, regrettant la perte de ses sabots. Alors qu'elle se demande combien de temps il leur faudra pour atteindre le château imaginaire de l'homme, celui-ci se retourne soudainement, la faisant stopper net.
─ Qui est avec toi ?
─ Q...Quoi ? Toi...
Il scrute les alentours, une main prête à saisir l'arc sur son dos, puis il la repousse pour se placer devant elle. Intriguée, elle observe à son tour les environs. Mis à part eux deux, il n'y a personne. Perplexe, elle fronce les sourcils.
─ C'est peut-être l'écureuil et...
─ Révélez-vous ! s'exclame-t-il, sortant ses flèches de sa sacoche et armant son arc. Tu me comprends ? Il y a quelqu'un.
─ Je n'entends rien mais je te comprends.
─ Ah ? Moi je ne te comprends pas !
Il reste immobile, ses grandes oreilles pointues frémissant légèrement sous l'effet d'une brise faible. Le vent souffle doucement dans ses cheveux, tandis qu'il arme son arc avec précaution, plaçant une flèche sur le cordeau et le tendant progressivement. Il se tient droit pendant que Risia serre fermement son épais manteau de fourrure, adoptant une posture défensive et reculant légèrement.
─ Ne bouge pas, lui intime-t-il par la pensée, la faisant figer sur place.
Inquiète, elle se demande combien de temps elle restera prisonnière de ce monde vaste et inconnu, frappée par le froid qui mord ses joues. Puis, l'homme en vert baisse son arc et penche la tête sur le côté, manifestant sa curiosité, après avoir écarté l'éventuel danger qui planait. Ses lèvres remuent alors qu'il s'adresse à elle en lui pointant du doigt, sans vérifier si elle peut le comprendre. Il sort petit à petit des morceaux de tissus polaires de sa sacoche. Pendant qu'il parle, il entoure les pieds gelés de Risia de ces tissus.
─ La dernière fois que tu es venue, c'était dans la clairière qui est à l'ouest d'ici. Pendant le Nonomä, ë·atroïdwaï·tri. Avec ton chien.
─ Pourquoi tu as pointé vers... Moi ? continue Risia, qui visiblement ne suit pas les interrogations de celui-ci.
─ Maintenant, nous sommes le Fraïs Minuë, ë·scshïdowaï·do. Comment se fait-il que tu sois dans le Glacï desertö alors que tu devrais être dans cette cabane des bois avec des médicaments sur la table de chevet ? Tu n'as pas gagné une once de centimètre.
Risia comprit à peine ce qu'il émet, puis qu'il lui offre à peine la possibilité de lire ses lèvres ; plein de mots lui paraissent étrangers et elle lui demande de répéter. Il réalise un non de la tête, estimant que ce n'est pas important de comprendre pour le moment et qu'il lui expliquera une fois arrivés à une auberge. Il précise qu'ils ne survivront pas dans le froid s'ils restent encore à discuter dans ce désert.
─ As-tu vu Balto ?
─ Qui est-il ? répond-il, sorti de ses interrogations.
─ Mon... ami.
─ Ce chien à la voix grave, qui léchouille tout le monde ?
─ Les... les animaux ne parlent pas ?
Un long silence s'installe. L'homme le brisa.
─ Je veux des détails, étrangère ! Je viens de me rendre compte que je t'avais déjà vue ! Tu avais disparue, on a cru que tu étais rentrée chez toi depuis presque cent ans ! gronde-t-il.
─ Mais, c'était ...seule...ment un jour... que je me suis absentée... un ange... Balto... en poussière...
Risia commence à pleurer, se demandant où elle est, pourquoi elle est ici et ne se souvenant pas d'avoir été chez cet homme. Celui-ci s'approche d'elle et tapote sa main droite sur son épaule.
Désolé huïmosa. Ici, on n'aime pas les humains.
D'ailleurs, on ne m'aime pas beaucoup ici non plus.Risia continue à pleurer en silence. Il serre les lèvres et se force à sourire. Prenant un bout de bois mort dans sa sacoche, il commence à dessiner dans la neige. Elle l'observe, essuyant les larmes sur ses chaudes joues. Se penchant pour identifier le dessin, elle constate qu'il ne ressemble à rien. Il tourne la tête vers elle, ravi qu'il ait attiré son attention.
─ Tu es encore une enfant. Je ne suis pas une garderie.
─ Vous êtes ?
─ Azaron ! poursuit-il en se relevant. Je suis un elfe. On m'a confié une mission, celle de ramener les Elus vers Mirandra.
─ C'est le palais ? C'est quoi un elfe ?
─ Non. Allez, en route.
Se relevant, il se gratte la tête.
─ Zut, cela fait deux calanë que je me suis perdu..., dit-il avec un sourire gêné.
Elle ne répond pas. Ils poursuivent la route vers une destination inconnue. Le ventre de Risia gargouille.
─ Tu dois tenir, huïmosa. Nous sommes dans des terres sans possibilité de nourriture.
─ Spa(r)iel.
─ Pardon ?
─ Je m'appelle (S)pariel.
Il hoche, interrogatif. Il confirme avoir bien entendu son prénom. Risia se met à observer le ciel, les yeux gonflés à cause des larmes, fatiguée. Elle aperçoit un géant oiseau noir fonçant vers eux. Elle crie.
**
Dans une épopée presque lointaine, un homme vêtu d'une blouse s'échappe furtivement, poursuivi par un individu richement habillé. Pourquoi le fuyard court-il ainsi ? Quelle est la raison de cette poursuite acharnée de la part de l'homme richement vêtu ? Il se rappelle leur dernière rencontre, où l'image de l'homme riche qu'il a est celui d'un homme si courtois, si magnanime et si opulent. Il se demande pourquoi il est traqué. Il se souvient que lors de leur dernière rencontre, il n'a fait que dire la vérité sur sa fille. Sa philanthropie le pousse à secourir ses patients malades, mais cet homme riche n'était pas satisfait de sa jolie petite fille brune.
Assis dans un coin sombre, il approche ses jambes près de son front et les entoure de ses bras qui tremblent comme une feuille. Sa blouse blanche le glace. Toutes les lumières de son cabinet sont éteintes. Tous les médicaments sont rangés soigneusement dans un placard fermé à clé. Ses lunettes sont rayées. La seule source de lumière provient de sous la porte. Des ombres précipitées indiquent des pas de soldats pressés de terminer leur mission. Le but de leur mission : retrouver le Dr. Stein avant qu'il ne s'échappe. Et le docteur Stein, c'est lui.
Dans l'obscurité oppressante, il entend la serrure de la porte tourner, et son cœur s'emballe. Se cachant derrière le bureau, il observe alors, à travers une fissure, la porte s'ouvrir violemment, arrachée de ses gonds, révélant un soldat revêtu d'une armure gothique impressionnante, arborant fièrement les symboles de l'Empire Perdu. Les pas du capitaine résonnent dans la pièce, emplissant l'air d'une tension palpable. Son souffle se fige alors qu'il fixe le sol, attentif au moindre bruit. Un frisson lui parcoure l'échine lorsque le bureau est frappé violemment, projetant dans l'air un vacarme assourdissant. La silhouette imposante du capitaine se dresse devant lui, dévoilant un visage fantomatique d'une noirceur saisissante. Dans un mouvement de panique, il se redresse brusquement, évitant de peu les éclats de verre. Hors de la pièce, il se retrouve encerclé par des soldats aux lances menaçantes, tandis que derrière eux, Mr. Joyu observe la scène avec un sourire cruel. C'est la fin pour le Dr. Stein.
─ C'est un monstre ! pensa-t-il, fixant Mr. Joyu d'un regard empreint de terreur.
La lance siffle dans les airs, son éclat d'acier menaçant fend l'espace, mais les réflexes du docteur le préservent d'un destin funeste. D'un geste vif, il repousse l'attaque avec un sortilège gardé secret, libérant un feu vert vibrant qui engloutit l'assaillant dans ses flammes surnaturelles. Les deux autres soldats reculent, incertains, partagés entre l'attaque et l'ébahissement face à ce pouvoir inattendu. Une lame glaciale vient se poser sur sa gorge, interrompant son élan. Immobilisé, une goutte de sueur perle sur son front, tandis que la voix rauque du capitaine résonne dans l'air tendu de menace.
─ Qui aurait cru qu'un simple docteur puisse maîtriser de telles forces dans ce monde..., poursuit-il d'une voix rauque.
─ Je ne suis pas né ici, répondit-il d'une voix mystérieuse.
─ Tu n'es pas humain ? rétorqua Mr. Joyu les gros yeux. Oh, je n'aurais jamais imaginé qu'une créature magique survivrait dans ce misérable monde des humains !
Le Dr. Stein échappe un énorme éclair vert, la lame voltige. Il court jusqu'à pas d'heure. Ces soldats de l'Empire Perdu le prennent pour un pigeon. De la glace apparaît sur ses lunettes de verre. Il arrache sa paire de verres de son visage et la jette sur la neige. Il traverse la place du marché et entre dans la forêt maudite prisonnier du froid. D'après ses éminents calculs dignes d'un sorcier, il doit retrouver la jeune fille dans la forêt. Il poursuit sa course malgré le refus de ses jambes de bouger, enveloppées petit à petit par des racines vivantes et lacérant sa peau. Il fait jaillir de faibles éclairs verts pour s'échapper, non sans douleurs. Son corps oscille de gauche à droite jusqu'à ce qu'il chute sur un sol gelé, posant sa joue contre la neige glaciale. Après quelques minutes, il ressent de puissants bras poilus tirant sur ses jambes. Paniqué, il se retourne et croise le regard d'un minotaure. Les longs cheveux bouclés et bruns du minotaure sont trempés, sa peau rougeâtre est clairement visible, et sa respiration est laborieuse. Le minotaure le traîne à travers la neige comme un cadavre. Écœuré par cette pensée, le Dr. Stein se débat, mais finit par abandonner à cause de la fatigue, se laissant emporter par ce minotaure aux grandes cornes. Déposé sur un traîneau, il entend le minotaure murmurer.
─ Bon retour parmi nous.
Le vieil homme relève la tête, fronçant les sourcils. Le minotaure, sans se tourner vers lui, ajoute :
─ Tu ne me reconnais pas ?
─ Aeglos...? reconnait-il, rassuré.
─ Exact. Disons... qu'on ne s'est pas vu depuis scshï anö, non ?
─ Je serais déjà mort.
─ Mais. Tu es à peine huïmoso.
─ Ah oui, c'est vrai. Parfois, j'ai du mal à me situer.
─ Tu n'as pas changé ! s'exclama-t-il en levant le regard vers son vieil ami, le regard enjoué.
─ Tu me sembles bien inquiet, sourit tristement le docteur.
Sans réagir à sa remarque, le minotaure continue de tirer le traîneau. Pensant qu'il puisse être préoccupé par des problèmes familiaux ou le deuil, le Dr. Stein décide de ne rien dire de plus et se laisse aller à sommeiller sur le traîneau.
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